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mardi 31 mars 2009

La crise de l'art contemporain, Yves Michaud

Yves Michaud n'a pas de sympathie particulière pour les milieux officiels de l'art; il aurait même plutôt tendance à les rendre responsables de quelques'uns des maux de l'art contemporain : élitisme, esprit de chapelle et conformisme. C'est ce qu'il appelle l'art institutionnel, qui n'a (selon lui) pour légitimité que le respect autiste de ses propres procédures. Il est difficile de lui donner tort! mais difficile aussi de se contenter de cette explication unique de la perte de contact avec le public. D'ailleurs il le reconnaît lui-même, l'art n'est pas réductible à un seul courant, il est multiple, comme le sont les goûts et les normes.
On trouve ici l'ensemble des propositions établies pour l'idixation de ce texte.
Parcours de lecture :
- En art, la pluralité des systèmes de valeur est devenue une norme et une valeur
- L'expérience de l'art institutionnel est conventionnelle : "est de l'art ce qui suit les procédures de l'art".

FRa Angelico, Ressemblance et Figuration, par Georges Didi-Huberman

Ce livre publié initialement en 1990 existe en livre de poche. Il comprend deux parties, l'une axée sur Fra Angelico et la théologie, l'autre plus particulièrement sur les Annonciations, mais les deux parties se recoupent. Georges Didi-Huberman attire l'attention sur les pans, les marques et les traces laissées volontairement (selon lui) par le dominicain florentin et d'autres peintres dans leurs fresques et retables. Ces marques ne sont pas anecdotiques, elles témoignent d'un mystère infigurable.
Je ne résume pas ici ce livre extrêmement dense, mais je renvoie plutôt à cette page du site Idixa où l'on pourra lire la quarantaine de propositions qui en ont été déduites.
Les parcours de lecture proposés dans Idixa sont les suivants :
- L'énigme de la figure, c'est qu'elle cache la chose et aussi y donne un accès, quoique détourné, déplacé
- L'Annonciation chrétienne n'est pas seulement histoire, mais aussi lieu et temps d'un mystère
- Dans les fresques de Fra Angelico, la pensée visuelle laisse des traces et des marques qui invoquent une pensée non visuelle d'ordre théologique
- Le mystère de l'Incarnation est l'enjeu suprême de la peinture chrétienne et son plus grand paradoxe : celui du Verbe incarné
- La peinture chrétienne n'imite pas l'aspect visible des choses, mais des figures mystérieuses, irreprésentables
- La Vierge offre le lieu de l'invisible, du mystère où habite le Verbe]

jeudi 19 mars 2009

Harold Rosenberg, La dé-définition de l'art, la tradition du nouveau

J'ai travaillé sur deux livres d'Harold Rosenberg, tous les deux en anglais, car il m'a été impossible de me procurer les traductions françaises (existantes, mais épuisées) : La Tradition du nouveau et La Dé-définition de l'art.
Harold Rosenberg est connu pour avoir inventé le terme "Action Painting". Mais il était bien plus que cela : un poète, un critique littéraire, un polémiste. Avec un étrange mélange de scepticisme et d'empathie, il a su analyser les tendances de l'art d'après-guerre dans des termes qui n'ont rien perdu de leur actualité. Voici quelques "parcours de lecture" déduits de l'idixation de ses textes :
- L'art de notre époque est pris dans un mouvement de dé-définition qui en fait un objet incertain, ambigu, voire anxiogène
- La "rupture avec la tradition" a duré si longtemps qu'elle a fini par produire sa propre tradition : celle du nouveau
- Les artistes ne peuvent renoncer à la qualité esthétique qu'en investissant massivement les catégories et les discours du système de l'art qu'ils prétendent dénoncer
- La grande nouveauté de l'art aujourd'hui est qu'il n'y a plus d'audience universelle : chaque pratique s'adresse à un segment différent du public
- Le musée moderne doit obéir à une double injonction : 1. S'ouvrir aux formes de vie les moins élitistes; 2. Sanctifier une étroite sélection de héros de l'art
- En agissant avec des matériaux, sans image ni objet pré-conçu, les peintres américains ont inventé l'"Action Painting" où l'oeuvre est un événement, pas un objet
- Le kitsch est un art qui suit des règles établies et prévisibles, à une époque où toutes les règles de l'art sont remises en question par chaque artiste
- L'art de Rothko était un rituel de purification du moi dont la signification ultime, universelle, ne pouvait exprimer que le sentiment de sa propre absence

dimanche 1 mars 2009

L'origine de la perspective, par Hubert Damisch (1987)

Quelle est la place du sujet dans la perspective dite "géométrique" née au quattrocento italien, ce dispositif d'énonciation qui n'a pas fini de nous nous hanter, même si nous ne nous en servons plus? Cette place lui est assignée par la construction (le point de vue), mais elle ne peut lui suffire pour se repérer. Entre des règles de composition rigoureuses (le sujet réduit à un point, à un oeil) et des éléments imaginaires (les figures, la narration), une tension se met en place dès le commencement, c'est-à-dire dès l'expérience de Brunelleschi (1425) et les perspectives urbinates (vers 1460-1500). Elle ouvre une faille irrémédiable dans la culture humaniste. Le sujet y trouve son lieu, mais n'y tient qu'à un fil.

Voici les parcours de lecture que nous a ouvert cette lecture :
- Le paradigme perspectif est l'équivalent visuel d'un dispositif d'énonciation;
- La perspective ne représente rien car elle est la forme même de la représentation;
- La peinture moderne commence quand le lieu du sujet se dissocie de sa construction imaginaire:
- Le sujet de la perspective ne tient qu'à un fil : il ne saurait se repérer dans le dispositif qu'à s'y résorber ou s'y perdre
- Notre culture est travaillée en son tréfonds par le paradigme perspectif
- L'invention de la perspective a ouvert dans la culture humaniste une faille irrémédiable
- Si système de la peinture il y a, il n'est à rechercher ni dans la convention, ni dans l'unicité du tableau, mais dans ce qui fait le ressort de l'oeuvre : répliques, variations, transformations
- L'expérience de Brunelleschi (1425) est le moment inaugural de la perspective artificielle
- Les "perspectives urbinates" montrent la perspective à l'état pur : un habitat vide sans récit ni personnage, dont l'auteur est inconnu et la destination incertaine.