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samedi 26 février 2011

Une voix différente, Pour une éthique du "care" (Carol Gilligan, 1982, édition en français de 2008)

On trouvera sur cette page des propositions issues de ce livre qui a eu, en son temps, un étonnant succès, et qui continue à agir. Carol Gilligan ouvre au féminisme de nouvelles pistes et il propose à la société (hommes et femmes) d'autres voies. D'abord sur ce soi-disant mystère qu'est la femme (ou qu'elle a été pour Freud et quelques autres) : si l'on tient compte de l'importance pour elle du souci de l'autre, on comprend mieux qu'elle perçoive la relation à autrui de façon plus intime, en continuité avec son prochain comme elle a vécu sa petite enfance en continuité avec sa mère. Alors que le garçon privilégie la séparation, la fille ressent une empathie pour l'autre qui rend moins prioritaire l'affirmation de son individualité. Il n'en résulte pas seulement d'autres comportements, mais une autre morale, qui peut s'affirmer à côté de la conception masculine, dans la vie courante et aussi dans le champ politique.

Tandis que la morale du "care", attentive à la vulnérabilité d'autrui, privilégie la responsabilité à son égard, la morale dominante (masculine) repose sur une conception abstraite des droits individuels. La femme voudrait se trouver au centre d'un réseau ou d'une trame de liens, là où l'homme, satisfait de ses convictions universalistes et impartiales, marque une certaine indifférence.

En accordant plus d'attention à l'autre en particulier, il ne s'agit pas seulement d'ajouter un "supplément d'âme", mais de reconfigurer le concept de justice en respectant toutes les voix, y compris celles qui sont aujourd'hui méprisées et invisibles.

samedi 19 février 2011

La crise de la culture (Hannah Arendt, 1961-68)

On trouvera sur cette page l'analyse du livre de Hannah Arendt, paru en français en 1972.

Où va la culture? En se posant la question dans les années 1960, Hannah Arendt ne peut pas faire abstraction de son expérience personnelle. Brillante représentante de la culture humaniste acquise dans l'Allemagne des années 20, elle a subi le choc du nazisme et ensuite, arrivée aux Etats-Unis après un passage par la France, il a bien fallu qu'elle constate les dégâts : disparition de l'autorité, remplacement de l'objet de culture par l'objet de loisir, perte du sens commun des mots, crise de la transmission du savoir par l'éducation. Comment expliquer cette inquiétante conjonction qui menace l'existence même de la culture? D'une part, les progrès de la science rendent le monde de plus en plus incompréhensible, voire impensable. D'autre part, l'humanité bute sur ses propres limites. Son rapport au monde extérieur passe par des actions aveugles et le déclenchement de processus dont elle ignore l'aboutissement. En rompant avec la religion et la tradition, elle a oublié l'expérience de la fondation telle que la vivaient les Romains. Les nouvelles générations ne se sentant plus en charge de prolonger et d'augmenter cette tradition, l'autorité, appuyée sur le savoir, a perdu sa légitimité.

Sans doute y a-t-il toutes les raisons d'être pessimiste, et pourtant Hannah Arendt ne ferme pas complètement la porte. A chaque homme, un nouveau commencement est possible. Même s'il n'a reçu aucun testament, même s'il résiste au passé et au futur, il lui reste une dimension de la liberté.