On trouvera sur cette page les propositions issues de l'"idixation" de ce texte de Jacques Derrida, prononcé dans une première version en 1992 et publié en 1996.
Il y aurait une période autobiographique de Jacques Derrida avec deux textes, Circonfession, rédigé entre janvier 1989 et avril 1990, et Le monolinguisme de l'autre, prononcé pour la première fois en avril 1992. Dans le premier, Jacques Derrida parle de sa mère mourante, et dans le second, il évoque sa langue maternelle absente. Il ne parle presque jamais de son père, et quand il évoque sa généalogie, "judéo-franco-maghrébine", c'est en termes généraux. Il se situe comme Juif maghrébin, et non pas comme fils, petit-fils ou arrière-petit-fils d'Untel.
Jacques Derrida n'a qu'une langue, le français. Mais cette langue n'est pas la sienne, elle n'est pas sa langue maternelle. C'est la langue de l'autre, celle de la puissance coloniale et de la culture. Même s'il peut s'exprimer en d'autres langues, il est monolingue. Il ne peut parler que cette langue-là (son idiome), et en même temps il lui faut plus d'une langue (une définition de la déconstruction). Ce réseau de contradictions, d'antinomies, situe l'expérience insituable dans laquelle il est né. Depuis toujours (avant même sa naissance), il s'est fait le gardien d'une langue qui renvoyait à un ailleurs, un dehors absolu.
La langue, comme la mère, est l'unique irremplaçable - mais qu'il faut remplacer. On la vit comme sienne, mais chaque fois qu'on ouvre la bouche, on promet une autre langue. Tout se passe comme si une marque, tracée à même le corps, obligeait à accueillir un hôte incompréhensible, à parler autrement, à greffer, à transformer cette langue qu'on respecte. Comment s'approprier l'inappropriable? Par l'écriture, l'invention linguistique, la poésie. La langue n'en revient pas. Certes, c'est une folie, mais une folie messianique par laquelle j'adresse mon salut au tout-autre.
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