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mardi 1 juin 2010

Ulysse gramophone, Deux mots pour Joyce, livre publié par Jacques Derrida en 1987

Sur cette page, on trouvera l'analyse de ce texte et la liste des propositions reprises dans l'Orloeuvre. Il comprend deux textes :

- Deux mots pour Joyce - Transcription d'un discours improvisé le 15 novembre 1982 au Centre Georges Pompidou dans le cadre de la Revue Parlée. Ce discours a été enregistré, transcrit et d'abord publié en anglais sous le titre Post-Structuralist Joyce (Cambridge University Press) puis en français dans L'Herne 50 (1985).

- Ulysse gramophone, ouï-dire de Joyce - Discours prononcé à l'ouverture du James Joyce International Symposium le 12 juin 1984 à Francfort. D'abord publié dans Genèse de Babel (Ed Claude Jacquet, CNRS, 1985). Le texte n'est pas daté du 12 juin, mais du 11 mai 1984, un jour où J.D. cherchait des cartes postales dans un hôtel de Tokyo.

Ces deux textes, dit Jacques Derrida dans son introduction, ne peuvent être détachés des circonstances de leur énonciation. Il s'agit dans les deux cas d'une situation de parole : une voix qui résonne dans un certain présent et qu'on ne peut détacher de ce présent. Il n'a pas voulu en effacer les indices. Pourtant, sa voix enregistrée au magnétophone (gramophone) ne s'est pas auto-détruite ou consumée sur place. Elle est devenue une marque qui reste, qui s'adresse à l'autre, qui s'auto-affecte.

Jacques Derrida aborde la question du oui à partir des textes de James Joyce (Ulysse et Finnegans wake). Dans cette formidable machine d'écriture, tous les discours, toutes les langues, tous les savoirs se déploient, se combinent et se recombinent. Il y a de quoi faire travailler les commentateurs et les experts pendant des siècles. Mais encore faudrait-il que le déchiffrement soit possible. Or dès le départ, l'oeuvre ménage l'effraction qui la rend illisible. Aucune compétence ne peut en rendre compte. L'acquiescement qu'elle déclenche est ambigu. Elle laisse un reste immaîtrisable, un oui-rire.

Présentée dans plus d'une langue, babélienne et intraduisible, l'oeuvre de Joyce est marquée par la "gramophonisation" moderne. On y trouve des appels téléphoniques, des lettres sans réponse, des pseudo-monologues où l'on s'adresse à l'autre, dont le dernier, celui de Molly, se termine par un oui primaire, originel : YES. Dire oui, c'est s'engager auprès de l'autre, mais c'est aussi s'exposer à un autre oui qui peut ruiner le premier.

L'oeuvre invite à un effort de traduction infini, mais qui ne peut qu'échouer (car l'idiome du lecteur ne sera jamais celui du texte). Pourtant le lecteur est marqué, endetté, débordé, et aussi transformé, qu'il réussisse ou non à lire.

Son contenu essentiel, ce qui fait événement, c'est que l'oeuvre est inaudible, imprononçable, irrésumable. Son signataire appelle un "oui" plus vieux que le savoir. Il promet l'arrivée d'Elie, le prophète imprévisible, il signe et contresigne le nom de Dieu. Mais là aussi, il ruse. Le commencement qu'il déclare, il le déconstruit aussitôt. Avec la confusion babélienne, c'est la différance et l'espacement qui s'inscrivent.

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