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lundi 21 novembre 2011

L'Assujettissement philosophique de l'art, par Arthur Danto (1993)

  On trouvera ici les propositions tirées de ce livre, qui développe le schème hégelien de la fin de l'art en prenant la suite de la Transfiguration du banal. Vers le début de 19ème siècle, à partir de 1906 environ, la peinture a du se redéfinir par rapport aux nouveaux arts émergents, la photographie et le cinéma. Elle ne pouvait plus se mesurer aux progrès de la représentation ni s'imposer par sa virtuosité, car ce progrès atteignait des limites que seules d'autres techniques pouvaient dépasser. Elle l'a fait de manière particulièrement radicale, en suscitant des vagues d'interrogation qui chacune posait la même question : "Qu'est-ce que l'art", et ne réussissait à donner qu'une réponse provisoire, balayée par la prochaine vague. Peu à peu, ce questionnement sans fin sur sa propre identité est devenu le contenu le plus courant de l'art, jusqu'à ce qu'il se volatilise dans la pensée ou dans la philosophie. C'est ainsi que l'art est arrivé à sa fin.

  Mais peut-on répondre à la question? L'essence de l'art n'est-elle qu'un questionnement sans fin? Sans doute, répond Danto, car chaque objet du monde, pour être élevé au statut d'oeuvre d'art, doit être transfiguré. A chaque interprétation, il l'est de manière différente, toujours en excès par rapport à son contenu matériel ou sémantique. Il n'y a pas d'autre limite à ce processus que son évolution intrinsèque. A force d'explorer les limites de l'art (ce que Danto appelle les arts de la perturbation, du readymade à la performance violente ou obscène ou n'importe quel acte capable de déclencher un spasme existentiel), à force d'impliquer le spectateur dans l'oeuvre, on supprime toutes ses frontières et on le confond avec la vie. Transformé en son propre objet, jouant indéfiniment avec son propre concept, il finit par transformer la culture. C'est ainsi qu'on arrive aux temps posthistoriques, où il se peut fort bien qu'il n'y ait plus d'art (ce qui ne change pas grand'chose).

  La dimension d'oeuvre d'art d'un objet n'a donc rien à voir avec ses caractéristiques physiques ou esthétiques. C'est seulement quand l'oeuvre est lue qu'elle acquiert son statut et trouve son sujet.

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