Une traduction doit attester de la façon la plus exacte possible de la parenté entre les langues. Elle n'a pas de prétention à l'objectivité, elle ne reflète pas l'original, ne lui ressemble pas. Elle est une mutation, un renouveau du vivant, une modification de l'original même, qui continue à mûrir à travers elle. De génération en génération, les mots changent de sens, les subjectivités évoluent. En traduisant l'oeuvre, on tient compte de ce processus historique et fécond. Ce ne sont pas deux langues mortes qui sont mises en relation, c'est la parole de l'écrivain qui poursuit son enfantement. L'enjeu de la traduction est moins la réception ou la reproduction du texte que sa survie.
Quelle est la tâche du traducteur? Ce n'est pas d'adapter le contenu d'une oeuvre à de nouveaux lecteurs, ceux qui ne comprennent pas la langue d'origine, car l'oeuvre elle-même (l'original) ne s'adresse pas aux lecteurs. C'est de s'acquitter d'une dette : restituer le sens de l'oeuvre. Ce n'est pas une transposition dans une autre langue, c'est une création.
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Walter Benjamin utilise le vocabulaire de la vie, de la survie, de la génération, de l'ensemencement et de la procréation. Traduire, c'est comme faire naître un enfant, c'est ouvrir à l'oeuvre un autre monde. Ce n'est pas une transposition, c'est une invention. Le traducteur est libre de la forme qu'il donne à cette invention, mais il est soumis à une double contraite : (1) libérer la lettre en la détachant du sens commun (2) respecter l'original, le garder dans son authenticité, sa pureté, pour ce qu'il est : une écriture sacrée.
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