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jeudi 29 juillet 2010

La tâche du traducteur (Walter Benjamin, 1923)

Plusieurs pages ont été ouvertes sur le site autour de cet important texte de Walter Benjamin. Sous le titre : La tâche du traducteur est de faire mûrir, dans la traduction, la semence du pur langage, en voici une lecture :

Les langues ne sont pas étrangères les unes aux autres. Abstraction faite de leurs relations historiques, elles sont toutes, a priori, apparentées. Il y a entre elles un rapport intime, dissimulé, qu'aucune traduction ne peut révéler complètement mais dont témoigne la traductibilité des textes. Dans ce rapport se cache le vrai ou pur langage. Il est impossible de le créer, mais il est possible de le représenter en germe.

Une traduction doit attester de la façon la plus exacte possible de la parenté entre les langues. Elle n'a pas de prétention à l'objectivité, elle ne reflète pas l'original, ne lui ressemble pas. Elle est une mutation, un renouveau du vivant, une modification de l'original même, qui continue à mûrir à travers elle. De génération en génération, les mots changent de sens, les subjectivités évoluent. En traduisant l'oeuvre, on tient compte de ce processus historique et fécond. Ce ne sont pas deux langues mortes qui sont mises en relation, c'est la parole de l'écrivain qui poursuit son enfantement. L'enjeu de la traduction est moins la réception ou la reproduction du texte que sa survie.

Quelle est la tâche du traducteur? Ce n'est pas d'adapter le contenu d'une oeuvre à de nouveaux lecteurs, ceux qui ne comprennent pas la langue d'origine, car l'oeuvre elle-même (l'original) ne s'adresse pas aux lecteurs. C'est de s'acquitter d'une dette : restituer le sens de l'oeuvre. Ce n'est pas une transposition dans une autre langue, c'est une création.

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Walter Benjamin utilise le vocabulaire de la vie, de la survie, de la génération, de l'ensemencement et de la procréation. Traduire, c'est comme faire naître un enfant, c'est ouvrir à l'oeuvre un autre monde. Ce n'est pas une transposition, c'est une invention. Le traducteur est libre de la forme qu'il donne à cette invention, mais il est soumis à une double contraite : (1) libérer la lettre en la détachant du sens commun (2) respecter l'original, le garder dans son authenticité, sa pureté, pour ce qu'il est : une écriture sacrée.

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