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samedi 3 juillet 2010

Sur le langage en général et sur le langage humain (texte de Walter Benjamin, 1916)

Analyser ce texte dense, subtil et complexe, tenter de le présenter sous forme de propositions, est une entreprise particulièrement risquée. C'est pourtant ce qu'on a essayé de faire dans l'Orloeuvre sous le titre : L'essence linguistique de l'homme consiste en ce qu'il nomme les choses.

En voici le résumé.

Dans son langage, l'homme communique sa propre essence spirituelle. Nous ne connaissons pas qu'un seul langage (car il y en a beaucoup, dans la nature animée ou inanimée), mais nous ne connaissons qu'un seul langage qui nomme les choses, celui de l'homme. En nommant par exemple la lampe, la montagne ou le renard, l'homme se communique lui-même. Les mots ne lui servent pas à désigner ces choses, mais à communiquer avec d'autres hommes. Autrement dit l'essence des choses ne se communique pas par les noms, mais dans les noms. Il n'y a pas un moyen (le mot), un objet (la chose) et un destinataire, il y a une essence spirituelle de l'homme qui, dans le nom, se communique à Dieu.

Si le nom est la plus intime essence du langage, c'est parce que le langage se communique en lui. Le nom résume en lui la totalité du langage. Par le nom, l'homme peut atteindre à la connaissance des choses, à condition qu'il n'en fasse pas un signe ou un jugement répétitif. Dans l'histoire biblique du jardin d'Eden, le langage du serpent est anonyme. Eve et Adam, en croyant accéder à la connaissance, ont choisi le langage impersonnel. Leur faute a été de renoncer au verbe créateur. Les hommes de la tour de Babel ont continué dans la même direction. Ils ont renoncé à nommer les choses. Mais ce n'est pas une fatalité. Bien que la création divine soit achevée, le langage parle encore. La nomination [créative], qui est le pur langage, n'est pas finie. Dieu crée par le Verbe, mais ce langage dont il s'est servi, il le laisse ensuite à l'homme, qui à son tour peut nommer sa compagne.

L'homme est le locuteur du langage, celui qui dénomme. Interpeller, c'est parler dans le nom. D'une part, la nature, laissée à elle-même, est muette et sans nom; d'autre part le langage comme tel est sans contenu, tout entier linguistique, universel, parfait. Il ne communique que sa propre essence. Pour révéler l'essence linguistique des choses - qui ne diffère pas de leur essence spirituelle -, il faut passer du muet au parlant, c'est-à-dire traduire. C'est la tâche du langage humain.

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