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lundi 16 mai 2011

"Zakhor, histoire juive et mémoire juive" de Yosef Hayim Yerushalmi

On trouvera ici l'analyse de ce livre de Yosef Hayim Yerushalmi publié originellement en 1982, qui a eu une influence considérable non seulement pour les questions ayant trait à l'histoire juive, mais aussi pour sa problématique et sa méthodologie applicables aussi à d'autres champs historiques.

La relation du judaïsme à l'histoire est doublement paradoxale. D'une part, l'impératif biblique "Souviens-toi!" (Zakhor) ne souffre aucune exception. Il faut se souvenir, il ne faut rien oublier, c'est un commandement absolu. La principale injonction du Dieu d'Israël est "Souvenez-vous que vous étiez esclaves au pays d'Egypte!". Mais d'autre part, depuis la fin de la période biblique, les juifs se sont peu intéressés à l'histoire (au sens moderne). Leur mémoire a pris la forme de prières, de poèmes ou de listes plutôt que de récits détaillés. Les décisions des hommes, leurs conduites et leurs erreurs sont remémorées et mises en perspective sous l'angle religieux, mais pas comme historiographie (l'écriture de l'histoire comme discipline, avec ses règles, ses institutions et ses procédures). D'autre part, la mémoire juive traditionnelle insiste sur le caractère unique du peuple juif. Cette unicité fondée sur l'alliance avec Dieu est sans cesse rappelée. C'est elle qui justifie l'idée d'un "sens" de l'histoire, qui est une des innovations principales du récit biblique. Raconter l'histoire du peuple juif de manière neutre, scientifique, revient à nier cette historicité - c'est-à-dire finalement à nier l'objet même de l'étude.

Dans sa relation a l'histoire, le peuple juif a abandonné certaines dimensions du récit biblique, en privilégiant la mémoire du passé. Il n'a pas interprété les événements post-bibliques en fonction de leurs causes ou de leurs circonstances présentes, mais en tant que répétition du défi que Dieu lui avait lancé et des réponses qu'il pouvait lui apporter. Chacun devait pouvoir s'identifier à un aspect ou à un autre de ce passé, et cette identification s'appuyait sur les rites, la liturgie, l'interprétation rabbinique. Après l'expulsion d'Espagne en 1492, il y a eu quelques tentatives de récit historique, mais elles ont été abandonnées.

Pour un Juif qui souhaite le rester, cela pose la question de l'historiographie contemporaine. L'historien doit analyser le passé avec ses méthodes, mais par le choix de ses objets d'étude, il doit affronter la réalité contemporaine, proposer une rupture, un nouveau commencement.




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